Libre comme l\'Eire

Promenade a Phoenix Park, aujourd'hui. A Stephen's Green, deja, j'avais remarque la verdeur de l'herbe de ce pays, jamais vue ailleurs.

C'est qu'en Irlande, la pluie est quotidienne, et tombe en "douches legeres" comme disent les gens d'ici. L'herbe est claire et brillante, au point que lors de la premiere promenade, je n'osais y poser le pied. Quand je me decidai enfin a m'allonger sur elle pour ecouter un concert de blues, je la caressais pour me faire pardonner. Et les trefles m'entouraient, dizaines de porte-bonheur qui poussaient la comme les fruits au jardin d'Eden.

L'herbe est toujours plus verte ailleurs. En Irlande, c'est une certitude.

- D'accord pour le sens litteral, me dit Shandy, mais qu'en est-il du sens figure ?

- Figure, litteral... je ne sais pas. Je suis ecrivain, seul le sens litteraire m'interesse.

J'ai rencontre a Edimbourg une jeune allemande qui avait choisi l'Ecosse comme pays d'adoption. Ses compatriotes lui avaient demande, avant son depart:

"Of all places, why Britain ?"

Pourquoi, en effet ?

Pour la meteo ?   

Pour la cuisine ?

Mystere.

Un autralien qui avait lui aussi choisi Edimbourg declarait :

"I need my winters"

L'Autralie ne connait pas l'hiver, l'Irlande semble ne pas connaitre l'ete, cieux gris et eclaircies, pluie et bruine, soleil timide et inconstant.

Alors, pourquoi ?

Pour les paysages et les gens, pour l'odeur des Body Shop qui embaume les rues pavees, pour la musique a chaque pas, pour le the et les scones, pour cette ivresse terrible et rassurante d'etre rentree chez moi apres quatre ans d'absence.

- Chez toi ?

- Chez moi. D'ailleurs, j'ai aussi une declaration a faire:

Home is the place that feels like home.

- C'est ton seul argument ?

- C'est le seul qui vaille. Malgre mes annees universitaires, je sais bien qu'il est des choses que l'on n'explique qu'avec le coeur.