Libre comme l\'Eire

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LE REGARD DE JOAN BAEZ

 J'aurais aimé voir Woodstock, mais je suis née trop tard.

 

Quelle idée de naître en 1982 ? Qu'est-il donc passé par la tete d'un certain Roger, gros ours maladroit, et de Jacqueline, tendre femme de trente ans, pour concevoir leur fille si tard ?

 

Il faut dire que ce couple improbable, au printemps où leur génération se soulevait...

 

 

 

 

... a choisi l'événement le plus conformiste qui soit: le mariage.

 

 

 

 

 

On ne peut attendre qu'un pareil couple, un an après, décide de s'envoler pour voir un concert de 3 jours en plein air au fin fond de l'état de New York, où des musiciens s'enragent contre la guerre au Viet-Nam et le pouvoir en place.

 

 

 

Alors on grandit. On découvre Janis et ses potes bien après qu'ils aient fumé leur dernière cigarette, on voit Aerosmith en concert dans une atmosphère polissée, on aimerait voir Bowie, mais le billet coûte une place d'Opéra et Ziggy a changé.

 

 

A l'instant où l'on fait le compte de ceux qui restent, le coeur bondit à la vue d'une nouvelle affiche

 

 

 

 

Le Fête est une tradition chez moi, Woodstock ou pas. Mais Joan...

 

Mon DVD de Woodstock est rayé à cet endroit. Heureusement, il y a Youtube:

 

 

 Que dire d'une angliciste dont le seul exposé convaincant en histoire américaine fut sur les Protest songs, ces fameuses chansons engagées de Woodstock ?

 

Cette fois, plutôt que Swing Low, Sweet Chariot, c'est sur Amazing Grace que Joan a ouvert le concert... avec 2 heures de retard.

 

- C'est l'heure de la digression, hourra !

 

-C'est vrai, Shandy. Il faut dire que la digression a duré plus longtemps que le concert.

 

 

Savez-vous ce qu'il faut emporter, à la fête de l'Huma, en-dehors d'idéaux de gauche ?

 

 

 

 

 

 On peut les choisir aux couleurs de Woodstock si l'on veut, mais les oublier...

 

Je suis prévoyante. J'avais même prévu le parapluie. Heureusement, parce que la Fête de l'Huma sans pluie, c'est un peu comme Londres sans pluie: inespéré.

 

 

Le parapluie quand personne n'y a pensé, c'est une chouette méthode pour faire des rencontres.

 

C'est ainsi que j'ai sorti de ma besace magique (les oursons du collège m'appelaient Mary Poppins) un parapluie noir, tout nase, de ces parapluies qu'on achète à un vendeur à la sauvette, parce qu'il pleut des cordes et qu'on porte des sandales.

 

Mais le parapluie navrant fut d'un coup anobli, et je le baptisai "Le parapluie solidaire."

 

 Et j'en rencontrais, de belles personnes ! des amoureux transis (et pour cause) une bande d'ados qui m'ont offert des frites mouillées, une dame allemande venue à Paris rien que pour le concert, un papa et son bébé, des jeunes qui se réfugiaient sous une toile de jute, et Soraya, jeune femme engagée.

 

 

Et on attendait Joan comme on attend Godot.


- Tu crois q"elle viendra ?

- Je sais pas.

- Il pleut tellement.

- Tu vois quelque chose ?

- Non.

- Le concert sera peut-être annulé.

- Dis pas ça ! Je suis venu exprès.

- Y a peut-être un problème technique.

- Y font pas d'annonce.

- C'est elle, non ?

- Non. C'est un technicien.

- Si seulement ça s'arrêtait de pleuvoir.
- On sait jamais.

 

Et la pluie a cessé, mais en fin de concert. Quand Joan est arrivée, à la joie des fans, elle a sorti deux mots de français, en montrant vaguement la pluie:

 

- Quelle merde !

 

 

Puis, en anglais...

 

 

- Vous vouliez savoir à quoi ressemblait Woodstock ? Maintenant, vous savez.

 

 

 Oui, parce que quand on évoque Woodstock, on oublie souvent que les hippies se sont pris des trombes d'eau pendant trois jours.

 

La voix de Joan Baez est certes plus hésitante, plus fragile dans les aigus, mais elle a gardé cette sincérité rare qui donne le frisson.

 

Epatante dans le choix des chansons, elle en a chanté deux en français, l'une récente, l'autre ancienne. Dans Manhattan-Kaboul, elle a réussi l'exploit d'un duo à elle seule (ici, version live de Renaud) Le public a repris le refrain en coeur.

 

En fin de concert, elle a repris Le Déserteur. Elle possède apparemment un vrai goût pour la chanson française, puisqu'elle avait repris Yves Montant , puis un autre Yves en 1983, dans une version bien meilleure que l'originale...

 

 

 

 A mesure que j'écris et que défilent les images, je me rends compte que le regard est resté le même.

 

 

 

Elle est restée belle, et l'engagement lui donne un feu au coeur à faire rougir ceux de sa génération qui ont laissé la boue recouvrir leurs idéaux.


 



24/10/2011
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