L'OPTIMISTE
Pour Lola
Selon le sens commun, l'optimisme est réservé aux sots. L'expression 'imbécile heureux' combine les deux adjectifs et donne l'illusion d'une synonymie.
Or, j'ai connu des sottes malheureuses, tout juste assez lucides pour se rendre compte de leur propre betise.
Le malheur, hélas, n'épargne pas les sots.
Les pessimistes se réclament souvent de la lucidité. L'intelligence lui serait proportionnelle, et toutes deux entraineraient nécessairement la mélancolie.
Le pessimiste se donne l'illusion de la profondeur d'esprit. En peignant tout en noir, il ose prétendre y voir plus clair.
En ces temps obscurcis par La Crise, dont on se sait pas bien ni l'origine ni la fin, et que nous rendons plus effrayante de par cette ignorance, je décide, par esprit de contradiction, de me qualifier
d'Optimiste.
Je fustige ceux qui confondent sagesse et résignation, bonheur et absence de malheur, ceux qui prétendent se réjouir d'un sort dont ils ne font que s'accommoder. Terrifiés par la liberté, ils choisissent le chemin attendu, nomment cela l'age adulte et, toute leur vie durant, récitent des proverbes pour justifier leur lacheté.
Et ils rient de l'Optimisme, qu'ils appellent illusion, naiveté, insouciance. Ils écrasent le reveur et piétinent ses reves, tant ils se sentent coupables d'avoir tué les leurs.
Et loin devant, le poete gambade, heureux, sur un sentier qui n'est qu'a lui. Il se réjouit d'avoir traversé sans dommages les passages escarpés, ou rend hommage aux égratignures qui les lui rappellent, et l'emplient de reconnaissance lorsque la pente se fait plus douce. A l'horizon, il voit son reve briller, sa tour d'ivoire, son Graal, laissant loin derriere lui les esprits railleurs. Les cris des alarmistes fouettent son courage et son obstination.
Ce qui nous fait supporter les cons, c'est l'espoir de leur donner tort.