DU HAUT DE CES FALAISES - JOURNEE A MOHER CLIFFS
Ces falaises noires fendent la mer comme des
becs venitiens,
ici et la des taches d'ecume
rappellent la lumiere blanche des nuages au-dessus
en scintillant sur les eaux sombres --
Le vent a voulu m'empecher d'ecrire, en menacant d'emporter ma plume, et mon cahier meme. Le vent souffle si fort qu'il chasse vite les nuages et redonne a la mer une teinte bleu sombre. La lumiere parseme la vue, eclatante et vaporeuse. De l'eau jaillit entre deux falaises. De l'autre cote, la plaine verte est efleuree de printemps. deux ou trois vaches brunes y paissent sans preter attention aux badauds.
Une ile d'Aran se detache doucement sur la mer, le soleil la revet d'une brume scintillante.
Oui, car le soleil nous fait la grace de sa presence, souvent au moment opportun, puis laisse place aux nuages et a la pluie pour que sa lumiere diffuse offre aux yeux des poetes un spectacle nouveau.
Tu choisis l'Irlande ? ont demande mes amis. Tu n'aimes donc pas le soleil ?
Bien entendu, j'aime le soleil, surtout les jours comme aujourd'hui ou il revele toutes les couleurs irlandaises, le vert brillant et le bleu roi.
Mais ce qui importe, ce n'est pas le soleil. C'est la lumiere. Un paysage breton, normand ou irlandais possedera une lumiere magnifique et changeante. Si vous contemplez les falaises de Moher a differentes heures du jour, ou a la meme heure tant la meteo est capricieuse, vous pourrez ecrire une multitude de textes...
Ame apaisee ici
melancolique la,
ou brulante a ce moment,
vous aurez raison trois fois.
Le soleil, donc, m'est essentiel, mais il ne doit pas etre omnipresent. Qu'y a-t-il a raconter si la lumiere est crue, permanente, sans zone d'ombres, sans contrastes ?
Un soleil trop fort emousse les sens et, s'il ne laisse jamais place au vent marin, aux matins clairs bordes de nuees, aux nuages lourds des soirs d'orage, alors il ne donne rien a ecrire.
J'aime le soleil, mais je le detesterais d'assecher ma plume.