CENT BALLES ET UN MARS
Quand j'étais petite et que, les copains et moi, on se moquait des gosses capricieux qui harcelaient leurs parents, on usait d'une expression colorée pour les désigner:
J'veux cent balles et un mars
La chansonette m'est revenue a l'esprit lors d'un voyage en Irlande du Nord. Je n'y ai pas rencontré de gamin capricieux, mais j'ai eu l'impression d'etre moi-meme une enfant gatée.
Non, Shandy, rien a voir avec l'Homme en rouge. Il aurait du mal a venir en juin. Mais j'ai eu, disons, beaucoup de chance.
Cote meteo, l'Irlande du Nord, comme l'Irlande du Sud, c'est changeant, déconcertant, agacant, surprenant. D'accord, d'accord, c'est l'automne en plein mois de juin.
C'était l'automne sur La Chaussée du Géant, qui aurait du ressembler a ca
mais avait l'air, sous le ciel gris, d'une plage bretonne déprimée.
Mon ami et moi... Appelons-le Sirius car il aime les toutous (on trouve les surnoms qu'on peut ) Sirius et moi avions fait un long chemin, en voiture puis a pied, et cherchions comme deux ames en peine une modeste auberge ou nous reposer.
Nous en trouvames une, perdue dans les contrées superbes anoblies de ciel bleu, un peu avant la nuit.
L'aubergiste, hélas, n'avait plus une chambre de libre. Il recevait les enfants d'une école ainsi que leurs parents, et préparait un barbecue dans le soir d'été. A defaut d'une chambre, il nous offrit le diner.
C'était un hamburger tout simple, avec un bout de fromage, du ketchup, de la moutarde, quelques oignons, dans un petit pain savoureux. Je n'en avais jamais mangé de meilleur. Le diner était offert de bon coeur, et le petit sandwich, une fois mordu, devenait une richesse. J'étais comblée, joyeuse, comme ces petits cons de mon enfance qui recevaient tout avant meme le désir. L'aubergiste m'évoquait la chanson qui rend hommage aux gens du Nord. Le texte sautillait autour de nous, parmi les moutons qui nous regardaient d'un air paisible.
Nous passames la nuit dans une autre auberge, apres avoir pris un cafe dans le village qui deja somnolait.
Le lendemain, nous avons traversé un pont.
- Encore ? demande Shandy, eberlué.
- Comment ca, encore ?
- Eh bien oui. A chaque voyage, un pont, semble-t-il. Tu sais que mon oncle Toby...
- Oui oui, je sais, Shandy, tu aimes bien les ponts.
- Toi aussi. Ca vaut bien un nouveau chapitre.