Libre comme l\'Eire

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AUX GRANDS MOTS LES FAUX REMEDES

Longtemps, c'est vrai, que je n'ai pas ecrit, et ce sont les mots encore qui me sauvent du silence, ennemi jure des ecrivains. Je reprends la plume car un mot revient dans l'actualite francaise qui m'a fait frissonner...

 

Decheance

 

Quand je lis decheance, je pense a Dorian Gray, l'innocent corrompu par les mots, encore eux, d'un certain mentor fascinant et dangereux.

 

Oui, pour une litteraire, decheance rime avec decadence, elle imagine la candeur devenue fleur fanee, le raisin gate, la pomme parfaite rongee par un ver. Decheance, un grand mot qui resonne dans les rimes de Baudelaire. 

 

Un mot qui sonne, aussi, comme une parole de grand-parent : "Le monde est fou! Quel desastre! De mon temps tout etait si simple! Et les jeunes aujourd'hui! Je ne vieillis que pour temoigner de la folie du monde et de sa decheance..."

 

Mais decheance, ces jours-ci, dans les journaux, a la television, sur le net, sort de la bouche de ce petit homme-la

 

Ni Hugo, ni Wilde, Sarkozy use de ce terme pour destituer les criminels de la nationalite francaise.


Un terme purement juridique dans la bouche presidentielle, synonyme de "destitution," de "perte d'un droit." 

 

Point de litterature la-dedans, me direz-vous? Pas si sur. En une sombre periode, on evoquait la decheance de la France pour la rendre plus pure, pour la renvoyer a son etat d'innocence, pour revenir a un age d'or fantasme ou tout n'etait que blancheur et verts paturages.

 

 

La solution est simple dans le discours sarkozyste : dechoir les criminels de leur nationalite et remedier ainsi a la decheance nationale.

 

Les mots rappellent Petain, la mesure egalement : la denaturalisation des Juifs sous Vichy etait courante.

 

Effet d'annonce, encore, puisqu'on ne saisit pas tres bien en quoi la perte de la nationalite peut resoudre la delinquance.

 

Absurdite, bien sur : etre delinquant annulerait le fait d'etre ne sur le territoire francais.

 

Amalgame dangereux, enfin, entre etranger et criminel. La petite phrase presidentielle, "etre francais, ca se merite", me rappelle une certaine image qui m'avait intriguee au lycee...

 

 

Que peut-on attendre d'un president qui cree une "droite decomplexee", 35 "deputes de la Nation" dont les valeurs sont "Nation, patrie, Republique et Travail"?

Le mot Republique a glisse la comme par inadvertance. Il vient surtout contredire la pensee qui vient : non non, ce n'est pas le  slogan de Petain, on a mis Republique dedans.

 

 

Regardons de plus pres l'affiche. Voyez comme l'Ordre de Petain s'oppose a la decheance supposee, encore elle, du communisme ?

 

Mais pour qu'il y ait decheance, il faut avoir connu un etat d'avant le mal. Sarkozy joue honteusement avec les bas instincts des citoyens, en suggerant que le mal, c'est l'etranger, venu salir la douce France. Ces paroles  lui permettent de courtiser l'electorat d'extreme-droite. Pire, il sert egalement a legitimer le discours du FN.

 

La decheance, c'est egalement la corruption. N'est-il pas ironique, a l'heure ou la corruption empeste du cote de l'executif, d'entendre notre president parler de decheance ? Lui-meme, peut-etre, devrait etre dechu de ses fonctions apres un scandale qui n'est pas sans rappeler le Watergate. Nixon, cependant, avait demisssione avant l'impeachment, qui aurait permis au Congres de le destituer de ses fonctions.

 

Moi, je me souviens d'Hugo et de sa verve contre Napoleon le Petit. Nicolas le Petit est devenu la honte francaise. Les Lumieres, les Droits de l'Homme, avaient donne a la nation ses lettres de noblesse. Sarkozy en a fait une France dechue.



04/08/2010
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