Libre comme l\'Eire

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SCOTT PILGRIM : RAYONS LASER ET AMOUR COURTOIS

J'ai une carte de ciné a Dublin. Ca veut dire que je vais voir plein de films, y compris des inattendus, des pas bon d'avance, des mieux que prévu, des grosses productions américaines et des petits bijoux irlandais.

 

Ce soir-la, j'étais partie pour voir un mauvais film. C'est le problème de la carte : au bout d'un moment, les bons films, on les a vus.

 

L'ennui me fit flotter entre les rues dublinoises, jusqu'au multiplex. C'est alors que j'eus l'impression d'avoir la berlue : a l'entrée, au lieu de multiples affiches, on n'en voyait qu'une, se répeter a l'infini...

 

 

Le nouveau Edgar Wright ne pouvait pas etre sorti... sa sortie etait prévue pour le 25 aout. Je me precipitai, ravie, vers la file des fans. Chacun tenait un carton a la main. Ma joie s'éteignit d'un coup. Il s'agissait d'une avant-premi è re. J'avais une carte ciné, quelques sous, un bouquin de Sartre, un autre de Dickinson, un gros sac a dos et des chaussures d'homme, mais pas de carton.

 

J'attendis tristement ailleurs, dans la file de ceux qui allaient voir d'autres films; des films qui sont sortis, eux. Pas un film si neuf qu'on vient le voir neuf jours avant.

 

J'ai pris un billet pour un mauvais film, et j'ai essayé de faire du charme au gardien pour entrer dans l'autre salle, convoitée, esperée, formidable. Ca n'a pas marché. Je n'avais pas de charme ce soir-la, et surtout, pas de carton. Puis je me suis assise sur une banquette, en attendant le début d'un film que je ne voulais pas voir.

 

Puis une jeune femme est venue, qui distribuait les précieux cartons comme des cacahu è tes.

 

Elle m'a dit "vous voulez voir Scott Pilgrim?" et j'ai pris le carton qu'elle me tendait, cette dame aux cheveux raides, au tailleur noir, mon héroine du jour.

 

J'ai pu faire un beau pied de nez au gardien et, en guise de récompense, j'ai recu une glace.

 

 

Je me sentais comme une star, meme si la star attendue, ce n'était pas moi.

 

Eh oui, l'avantage des avant-premi è re, c'est qu'on y rencontre les acteurs du film, et dans ce cas précis... le réalo.

 

 

Ce britannique a l'air juvénile a déja connu de gros succes avec Hot Fuzz, comédie déjantée désopilante , et Shaun of the Dead, parodie de films d'horreur. Il était accompagné de plusieurs acteurs, dont Michael Cera, le charmant Bleeker de Juno

 

 

qui joue aussi un dégingandé au coeur tendre dans Youth in Revolt, moins connu mais sympathique.

 

 

 

En somme, Michael Cera semble jouer toujours le meme role de gentil garcon, amoureux d'une fille branchée et inaccessible. Pour elle, il doit donc faire un peu le méchant.

 

Dans Youth in revolt, il s'imagine un double diabolique, Francois, un  francais dangereusement séduidant...

 

 

Dans Scott Pilgrim, il doit combattre les sept vilains ex de sa petite amie :

 

 

 

Parlons donc de cette petite amie :

 

 

Elle s'appelle Ramona Flowers et n'est pas sans rappeler une autre jeune fille aux cheveux roses

 

 

qui changent de couleur au gré de l'envie.

 

 

 

Comme le personnage de Jim Carrey dans Eternal Sunshine of the Spotless Mind, Scott Pilgrim se promene entre reve et réalité, entre sa vie quotidienne d'anti-heros et son fantasme en jeu vidéo. D'ou la deuxi è me affiche :

 

 

Scott Pilgrim se bat dans une épopée burlesque, hilarante, qui donne le slogan du film, "an epic of epic epicness," pas d'une grande finesse a priori, mais révélateur d'un hommage aux héros antiques autant qu'a ceux de la bande dessinée.

 

Mythologie, donc, mais aussi Moyen-Age, car le jeune Scott, comme tout chevalier qui se respecte, doit braver bien des épreuves afin de conquérir sa belle. On appelle ca l'amour courtois :

 

 

Scott ne chante pas la sérénade, mais il joue de la basse, avouez que c'est plus cool. D'un autre coté, son nom est Pilgrim, c'est a dire pélerin, et rappelle aussi les temps immémoriaux.

 

Pour l'angliciste que je suis, le pélerin, c'est aussi le héros du classique américain de John Bunyan, The Pilgrim's Progress.

 

 

 

The Pilgrim's Progress est une moralité : le héros rencontre plusieurs personnages sur sa route, censés le guider sur le droit chemin ou l'en détourner. Ils portent des noms révélateurs comme Evangeliste, Obstiné, Hypocrisie ou Prudence. Pour Christian, le héros de Bunyan, il s'agit de faire un long pélerinage jusqu'aux portes du Paradis. Pour les chevaliers et Scott Pilgrim, le paradis est atteint en seduisant la dame, alors sacralisée.

 

Pour Scott aussi, les personnages rencontrés ont des noms très parlants, comme le plus méchant de tous les méchants : Gideon Graves.

 


 

Gideon, référence biblique encore, nom hébreu signifiant "Destructeur." Et "Graves", qui designe la tombe en anglais.

 

Ce dernier méchant est le numéro 7, chiffre biblique, encore : Dieu a créé le monde en sept jours selon la Bible, les péchés capitaux sont au nombre de sept, et la menorah est un chandelier a sept branches. Cet ultime méchant est essentiel a une trame de bande dessinée : il est plus redoutable que les autres, car il combat le héros avec l'esprit, et non avec la force.

 

Enfin le G, meme lettre a l'initiale du nom et du prénom est une tradition de la BD: souvenons-nous de Superman, alias Clark Kent (son "K"), sa collegue Lois Lane, et son ennemi juré, Lex Luthor. Cette tradition est reprise dans un autre film en référence a la BD : Incassable.

 

 

Son héros s'appelle en effet David Dunne.


Mais revenons au patronyme de Scott dans le film d'Edgar Wright. Pilgrim, pour les anglophones, c'est un vrai nom de nul, de nase, ou dans ce cas, de "geek."

 

Eh oui, déclaration d'amour aux jeux vidéo, Scott Pilgrim rend surtout hommage aux jeux de plate-forme (Mario Bros) ou aux jeux de bagarre (Street Fighter, Mortal Kombat.) Tout cela avec des trouvailles cinématographiques délicieuses, dans le traitement de l'image, le montage, et des clins d'oeil a la culture populaire, du sitcom aux gags de cartoon. Bref, y en a pour tout le monde : les geeks, les romantiques, les parodiques, et meme les littéraires qui aiment les chevaliers et l'amour courtois.




19/08/2010
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