Libre comme l\'Eire

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LE BRAYARD DE LA NON-LECTURE

Aujourd'hui, témoignage de lecture.

 

 

Ce livre m'a séduite de prime abord: provocation du titre, éditions de Minuit, section "Paradoxes," et pour cause. Je me demande, après la lecture de cet essai, si j'aurais dû le lire avant d'en faire la critique...


Réflexion intéressante sur la lecture, dénonciation d'une certaine hypocrisie bourgeoise et intellectuelle, théorie "d'un livre intérieur" qui varierait de lecteur en lecteur, Bayard marque des points, surtout en début d'ouvrage. Il liste, parfois avec pertinence, tous les moments où nous sommes aménés à parler d'un livre sans l'avoir lu.

 

Mais ses propos deviennent fort discutables en deuxième partie.

 

Je me demande notamment comment ce professeur d'université peut écrire en substance que l'on parle mieux d'un livre sans l'avoir lu... Il l'écrit maintes fois, comme pour convertir son lecteur, au point que j'aie envie de changer son patronyme en "Brayard."

 

Ce prof de fac sait que les étudiants, souvent, ne lisent pas les oeuvres au programme. Ici, il leur donne un prétexte signé de sa main.

 

"Mais, M'sieur, vous avez écrit qu'on commentait mieux un bouquin si on l'avait pas lu, pour lui apporter un regard neuf, vous dites."

 

Brayard part d'une citation de Wilde qui lui sert d'épigraphe:

 

"Je ne lis jamais les livres dont je dois écrire la critique. On se laisse tellement influencer."

 

 


 

 

Brayard dénonce, et avec raison, les critiques littéraires qui se permettent  d'encenser un livre ou de le démolir  sans l'avoir lu. Dans le second cas, certains revendiquent même leur refus de lecture.

 

Mais Brayard clame aussi que l'on peut critiquer les livres grâce à "une vue d'ensemble." Pourtant, les critiques qu'il dénonce sont les premiers à commenter des livres non lus en croyant, comme lui, qu'un peu de culture générale suffit. On ne parle dans ce cas de l'oeuvre qu'en surface, en se gardant bien, par exemple, d'entrer dans le détail du texte...

 

Je ne peux m'empêcher d'y voir le témoignage d'un ancien élève de Normale Sup: le vernis suffit, jonglez avec les idées, montrez-vous bon orateur, et vous pourrez disserter sur tous les sujets en convainquant votre auditoire à coup sûr!

 

Pour en venir à Wilde, le point de vue ne peut être le même. Evidemment qu'il préfère écrire ses livres plutôt que de commenter ceux des autres ! Qu'il considère la création comme supérieure, puisque la critique n'existe pas sans elle !

 

 Brayard, enfin, écrit un épilogue écoeurant de démagogie, d'un relativisme dangereux. Il donne raison (sans le vouloir, sans doute) à ceux qui qualifient les études littéraires d'étalage de sensiblerie. Puisque la littérature est affaire de subjectivité, tous les avis se valent.

 

Mais c'est justement en alliant culture générale et lecture attentive d'un texte que l'on le commente finement. La "vue d'ensemble" (on ignore d'ailleurs ce qu'elle recouvre) ne suffit pas. Il s'agit de commenter le détail de texte sans s'y noyer, en prenant une certaine hauteur que la culture générale permet.

 

 

 En colère, donc, mais pas totalement, puisque Brayard a au moins le mérite d'aborder la nécessité d'une désacralisation du livre, comme l'avait fait avant lui un certain Daniel Pennac

 

 

 

 Ca vaut un nouveau chapitre ! s'exclame Shandy.




01/08/2011
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