Libre comme l\'Eire

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LA ROBE DE GEORGES

Journée chez Disney la semaine dernière. L'occasion d'une réflexion sur l'enfance, et les images qu'elle garde en tête.

 

Je voyais défiler dans le parc de nombreuses petites filles déguisées en princesses, vêtues de robes de pacotille qui auront coûté cher. Puis je regardais les mamans, plus ravies encore que leur fille de leur nouveau jouet. Car on ne vient chez Disney que pour soi : les enfants ne sont qu'un alibi.

 

Que dire, sinon que les mamans souhaitent jouer à la poupée un peu plus longtemps, faire de leur fille une princesse, comme elles rêvaient elles-mêmes, sans doute, de porter une telle robe lors d'un soir de bal.

 

 

Voyons de plus près ces personnages féminins: toutes attendent le prince charmant. Deux sont confinées avec bonheur et en chanson aux travaux domestiques, l'une s'endort cent ans avant d'être éveillée par son futur époux, la sirène renonce à sa vie marine pour rejoindre un humain, Jasmine s'arroge pour seule liberté de se choisir un prétendant, et Belle se livre à une bête afin de sauver son père. Cette dernière se révèle courageuse, donc, mais fruit d'une morale qui voulait enseigner aux jeunes filles le sens du sacrifice.

 

La fameuse robe, les femmes l'obtiennent le jour de leurs noces, et certaines en rêvent depuis l'enfance. Il y a quelque chose dans la robe de mariée qui fait revenir la femme aux contes de l'enfance, passage à l'âge adulte qui s'incarne en une régression. Il suffit de voir le nombre de films (pour petites filles devenues grandes) qui relatent l'importance de la robe d'épousée, qu'il s'agisse de comédies romantiques sirupeuses...

 


 

 

ou de films réussis...

 

 

 

 

***

 

Je regardais aussi les garçons dans le parc, moins nombreux en costume. Le seul que je voyais était celui de Buzz Lightyear, le ranger de l'espace de Toy Story.

 

 

Evidence. Les filles en princesse et les garçons en ranger de l'espace. Et moi de repenser à ma nièce, qui réclamait il y a peu le costume Buzz Lightyear. Ma soeur aurait préféré lui offrir une jolie robe.

 

Nous avons partagé des années la même chambre, ma soeur et moi, et quand elle s'extasiait devant les robes de Sissi et autres marquises des anges, moi je voulais conquérir l'espace, et je jouais avec les petites voitures et le garage en plastique de mon frangin. Quand je regardais La Belle et la bête de Cocteau, c'était le costume du prince qui me faisait envie.

 

Je constatais avec tristesse chez Disney le conditionnement des filles comme des garçons. Une jeune maman londonienne m'expliqua ainsi comment son fils, ayant fait la queue pour voir une princesse Disney et être photographié en sa compagnie, fut refoulé à l'entrée : "Parce que c'est pour les petites filles."

 

Ah bon.

 

Disney envahit largement aux rêves d'enfant, et l'idée du destin qu'ils se voient offrir, ou plutôt imposer, par des normes sociales.

Un article de Rue 89 explique d'ailleurs comment les jouets de Noël perpétuent les clichés sexistes.

 

Pourquoi ma nièce ne pourrait-elle pas rêver de devenir astronaute? Pourquoi un petit garçon ne pourrait-il pas jouer à la poupée ? Une gamine qui joue avec son camion de pompier et se déguise en cowboy ne créé pas le scandale. On se dit que la jeune fille, un jour, rattrapera le garçon manqué. Mais pour le garçon ?

 

Un garçon qui joue à la poupée inquiète ses parents. On court voir la psy scolaire, on s'interroge, on lui répète, dans un conditionnenement tout en douceur ou en menaces, "les poupées, c'est pour les filles." On angoisse à l'idée de le retrouver un jour dans la chambre de sa mère, en train d'essayer ses chaussures ou son maquillage, et on l'imagine déjà jeune homme, dans sa propre chambre, un autre jeune homme dans son lit.

 

 

Sous ce rejet du garçon en robe ou de la fille bagarreuse, une peur panique de l'homosexualité. Peur primitive, d'abord, puisqu'un enfant homosexuel signifie a priori l'absence descendance. Une peur sociale, enfin, regard des autres et fils tabassé dans les chiottes du lycée, fille qui rendra folle sa grand-mère car elle ne trouvera pas de mari, aguichée comme elle est.

 

Mon père, dans l'enfance, me racontait une histoire drôle qui se voulait inoffensive :

 

- Maman, j'peux mettre une robe ?

- Non.

- Maman, j'peux mettre une robe?

- Non !

- Maman, j'peux mettre une robe?

- NON, GEORGES !

 

 

Depuis la plaisanterie de mon père, j'ai beaucoup repensé à Georges et à sa robe. Est-il aujourd'hui un homo malheureux, refoulé, ou un jeune gay bien dans sa peau ? Est-il un hétéro épanoui, car vouloir mettre une robe  sept ans ne veut pas dire qu'on chantera chez Michou à trente-sept ?

 

Le conditionnement fait des ravages chez les jeunes homos, filles et garçons confondus, complexes et culpabilité qui parfois les poussent au pire. La jeune lesbienne est souvent considéree comme pas entièrement femme (cliché de la cammionneuse, entre autres) et le jeune homo est vu comme moins qu'un homme (écouter les chansons de Polnareff et d'Aznavour)

 

 

 

Certains films ont traité la question. Ma vie en rose, sorti en 1997, raconte la vie d'un petit garçon qui se rêve petite fille, dans une réalisation revendiquée kitsch:

 

 

 

 

En voyant Ludovic à l'écran, je repensais au Georges de mon enfance...

 

 

Vous pouvez visionner tout le film ici.

 

Et puis, tout récemment, j'ai découvert Tomboy, et son formidable personnage principal:

 

 

La bande annonce vaut son pesant d'or:

 


TOMBOY, Bande annonce, sortie le 20 Avril 2011

 

 

J'aimerais conclure cet article sur les jeunes homos, qui effraient tant les parents dévoués.

 

Regardez-les...

 

 

 

Terrifiants, non ?

 

 

 

 

 

 



06/08/2011
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