Libre comme l\'Eire

Libre comme l\'Eire

LA JOIE ET LE CHAGRIN

 

Malgre la pluie goutte a goutte en mon coeur, je souhaite parler de cette terre qui me fait du bien.

 

En Irlande, comme en Angleterre, il n'est pas rare qu'il pleuve et fasse soleil en meme temps. C'est une pluie fine, lumineuse, qui enfante des arcs en ciel.

 

 

C'est une douche estivale qu'on accueille avec bonheur ou perplexite. Le ciel pleure le sourire aux levres, comme les passants sous lui, qui gardent espoir en cette triste saison.

 

C'est un jour comme celui-la, ou le soleil met en joie et la pluie pousse vers les salles obscures, que je decouvris la cinematheque.

 

 

Petit cine pas commode a trouver, en plein centre et pourtant perdu, il me rappellle avec delice et melancolie mon cher Quartier Latin. Deux ou trois salles, tout au plus. Des habitues qui s'y bousculent pour l'intimite d'une salle, loin des multiplex et leurs vampires amouraches.

 

Dans l'une de ces salles se jouait un film francais. Je dis francais, mais les langues s'y chamaillaient, anglais d'Edimbourg, accent de l'Est, et comique sans paroles.

 

 

 

C'etait un peu Tati, un peu Chaplin, un peu Keaton. L'animation enchantait la vue et les coeurs d'enfant. L'artiste rate, la vie de boheme ou l'on soupe d'esperance, les vitrines splendides que l'on regarde seulement, et les compagnons d'infortune dans la mansarde voisine. Theme de predilection des amoureux d'une France desuete, la vie de Boheme dessinee par Chomet se deguste comme un sucre amer, au jour ou l'Irlande souffre de n'etre plus tigre.

 

Chaplin, lui aussi, faisait rire d'une misere. Dans La Ruee vers l'or, il dine meme d'une chaussure.

 

 

Dans un autre film, il ne fait que rever des feux de la rampe et joue, comme l'Illusioniste de Chomet, dans une salle quasi vide.

 

 

Bien sur, il trouve un travail lui permettant de subsister,

 

 

 

mais il est si humilie qu'il choisit la misere.

 

Le destin des artistes m'a touchee cette fois-ci plus que de coutume. Peut-etre que je distingue dans leur infortune mon propre horizon. Tenter sa chance, voyager, tomber, se relever, sourire tristement, dans la nostalgie d'une insouciance ou dans l'attente de jours meilleurs.

 

Ainsi, comme le ciel irlandais, je riais en sanglots au fond d'une salle obscure, et elle me bercait, consolante. Quand je suis sortie, le crepuscule dublinois prolongeait la douceur du film. Je jetai un oeil a mes chaussures usees et les remerciais de m'avoir suivie si longtemps. J'apercevais de temps a autre les poussettes qui glissaient sur la ville.

 

Je garde bon espoir. Mes chaussures s'epuisent mais l'Irlande continue de faire des enfants.

 

 

 



04/09/2010
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