Libre comme l\'Eire

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L'ARBRE DE VIES DE MR NOBODY

 

 

Arborescence. Voilà le joli mot qui me reste du visionnage de Mr Nobody, chef d'oeuvre de Jaco Van Dormael. Toto le héros possédait déjà une fibre poétique prometteuse, et Le Huitième jour était touchant.

  

Sorti en 2009, je désirais découvrir ce film en salle, mais n'en ai pas eu l'occasion. Je l'ai défloré hier, dans l'intimité de mon salon.

 

Comment résumer un chef d'oeuvre onirique de 2h35 ?

 

Mr Nobody conte l'histoire d'un garçon de neuf ans dont les parents se séparent. Il doit alors faire le choix terrible de partir avec sa mère au Canada, ou rester avec son père en Angleterre. Entre les deux, un train, symbole de vie selon bien des artistes.

 

 

 

 

 

     Nemo refuse de choisir.  Ce choix impossible déciderait de son adolescence et de son âge adulte, de la femme qu'il épousera, en somme de sa vie entière.

 

Alors, le jeune rêveur imagine les différentes vies qui s'offriront à lui, en particulier quel amour de jeunesse deviendra son épouse.

 

 

 

 Anti-chronologique, anti-linéaire, le long métrage mêle les vies possibles de Nemo Nobody, l'enfant qui n'est personne tant qu'il n'a pas choisi. 

 

Chez nous, on pense à l'âne de Buridan

 

 

 Cet âne, dans l'allégorie, est torturé par la faim et la soif. Une fois face à un sac d'avoine et un seau d'eau, il meurt sur place, faute de s'être décidé.

  

Le film de Jaco Van Dormael offre une richesse étonante, tant sur le point visuel que philosophique.

  

Du temps qu'il fait au temps qui passe, de l'effet papillon au Big Crunch.

  

  

Ce film est d'ailleurs à rapprocher de L'Effet Papillon, qui évoquait déjà à quel point un simple détail pouvait changer le cours d'une existence.

 

  

 

 Dix ans avant Mr Nobody, dans un film allemand, une Lola aux cheveux rouges tentait de sauver son petit ami de différentes manières, dans trois scénarios de vingt minutes.

 

 

 

Ainsi se surperposent les vies de Nemo, avec une clarté étonnante, grâce au souci de la réalisation, la fluidité des caméras, le génie des acteurs, sans parler de la beauté de la bande originale.

 

 

 

Les scènes proposent une lecture multiple, y compris une réflexion sur le métier de réalisateur. De nombreux dialogues évoquent la condition de l'artiste, condamné à choisir certaines couleurs de sa palette et en laisser d'autres, garder certaines scènes au montage et couper l'excédent, imaginer plusieurs destins possibles pour ses personnages et n'en élir qu'un seul.

 

 Jaco Van Dormael ne tombe pas dans la facilité en s'éclipsant sur une fin ouverte. Mr Nobody, c'est l'absence de choix.

 

 

Loin d'une morale à l'américaine qui indiquerait une vie meilleure qu'une autre (la vie de famille prévalant, par exemple, sur la vie professionnelle,) le film montre que toutes les routes en valent la peine, y compris dans le malheur, l'attente et le désespoir.

 

Du choix initial entre père ou mère découlent tous les suivants, de la rencontre de l'aimée à la mort, dans une arborescence infinie de possibles.

 

 

 

Nemo a vécu plusieurs fois, est mort plusieurs fois, a aimé trois fois, mais jamais de la même façon.

 

 

 

 

 Je terminerai sur la phrase de Tennessee Williams citée par un Némo de cent dix-huit ans...

 

 "Everything could have been anything else and it would have just as much meaning"

 

 

 

 

           "Tout aurait pu être tout à fait différent: cela n'aurait pas eu moins de sens pour autant."

 

 

 




05/02/2011
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