Libre comme l\'Eire

Libre comme l\'Eire

HORS LES MURS !

Pour ma derniere semaine de cours, j'ai fait mon John Keating.



Je ne suis pas montee sur les tables.

J'ai juste demande a mes etudiants : " Savez-vous comment on dit 'Modern Foreign Languages' en francais ?"

Un magnifique aux yeux limpides a repondu : "langues vivantes"

"Absolument. Langue vivante. Et aujourd'hui, je vais vous montrer pourquoi."

Je saisis le feutre pour tableau blanc.

Nous sommes au Cafe en bas. Nous prenons le the au bord du lac. Venez !

Je me retournai pour observer les visages des magnifiques. Certains souriaient. D'autres se regardaient. D'autres encore, surpris, me consideraient comme si je descendais de la planete Vulcain.



Puis j'ai sorti mes sachets de the. J'ai invite tous mes etudiants de cette semaine. Il faisait beau, et nous avons discute en francais au bord du lac. Des mots de vacances, d'etudes, de sorties, d'evasion, de voyages. Certains timides se sont reveles.

C'est fou comme la salle de classe est finalement peu propice aux cours d'anglais.



Voyez ces fameux rangs d'oignon...

A quoi pensez-vous ?

Aux controles de maths qui vous terrorisaient au college ?

Au prof de chimie sadique en classe de Terminale ?

A l'institutrice severe avec un certain gout pour l'humiliation ?

Pas etonnant que les jeunes timides ne sortent pas un mot en classe. Trop peur du tableau noir. Du regard des camarades. De la regle du professeur. De leur propre voix.

Leur voix, pourtant, c'est la puissance de cette sagesse qu'ils ont avant d'avoir vecu. Le zenith au-dehors jaillissait en fait de leur gorge quand ils laissaient enfin couler les mots au bord du lac.
Et c'est ainsi que je me souviendrai d'eux : lors d'une semaine d'avril ou le soleil, enfin, se posait sur l'Irlande. Souriants, heureux, tricheurs un peu, quand ils se raccrochaient aux branches de la langue anglaise pour ne pas perdre pied.

Mes plus beaux souvenirs seront sans doute ceux-la. Le francais, les Magnifiques le parlaient sans y penser, enfin liberes des manuels scolaires, et de la satanee salle de classe.

Car moi aussi, je la hais, la salle de classe. Quand elle est vide. Quand elle ne resonne plus d'accents. Quand les rires sont eteints. Je suis comme la Nature, j'ai horreur du vide. J'ai voulu le fuir  en emmenant les Magnifiques au dehors. La salle de classe, mon univers. L'horizon ou je dis aux enfants qu'ils en ont un. L'endroit ou je tente d'en faire naitre mille autres. La salle de classe, ma misere, mon chagrin. Le ciel de mon metier ou mes etudiants sont assis. Et l'enfer quand ils n'y sont plus.


27/04/2010
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